Vincent Tavernier, vous êtes metteur en scène, récitant, directeur d’une compagnie depuis près de trente ans, librettiste…
Je ne me considère pas vraiment comme librettiste, l’écriture est venue en réponse à des commandes je dirais, elle ne fait pas partie de mes « combats » puisqu’en premier lieu, mon travail est celui de metteur en scène et directeur de compagnie, la même depuis trente ans. Pour les autres emplois, je les envisage davantage comme un présent !
De nombreuses productions, plus d’une centaine, qui embrassent tout à la fois l’opéra, le théâtre et les comédies-ballets; un désir de vous confronter à tous les genres de la scène ? La comédie-ballet permet cet éventail artistique ?
Ce n’est pas tant la convocation de plusieurs arts sur la scène qui l’emporte puisque l’opéra le fait par définition, sans inclure le théâtre, bien qu’il y ait une théâtralisation musicale mais sans avoir de comédiens en jeu, ce sont des chanteurs qui jouent. Bien sûr, sans aucune nuance péjorative j’entends. La comédie-ballet me semble avoir un charme particulier en ce sens qu’elle associe des danseurs, des chanteurs, des comédiens, des instrumentistes, chacun d’entre eux allant jusqu’au bout de son art. Il s’agit d’un genre qui ne s’est pas développé, on n’écrit plus de comédie-ballet, qui n’est pas à confondre du reste avec la comédie musicale qui met en scène de bons chanteurs qui dansent et jouent la comédie tout à la fois, la discipline n’en est pas moins exigeante d’ailleurs mais elle ne s’apparente pas à la nature même de la comédie-ballet. Il faut penser la comédie-ballet comme un « passage de relais » entre les arts, de fait la musique inaugure puis passe le relais aux comédiens qui le passent à leur tour aux danseurs qui vont encore le passer et ainsi de suite. La difficulté ici est celle de l’unité de style car ce n’est pas une juxtaposition mais une progression. La danse, par exemple, va alors amplifier le propos, le théâtre va le récupérer et de façon différente que précédemment et ainsi de suite. Il s’agit là d’une construction somme toute très sophistiquée que je trouve véritablement intéressante, c’est l’enjeu même de la forme de la comédie-ballet que seul Molière a parfaitement maîtrisée selon moi. Mais que ce soit l’opéra, le théâtre ou la comédie-ballet, ce sont des mondes qui se correspondent bien et qui forcent la réflexion afin de les restituer au mieux.